Connaissez-vous l’histoire du p’tit train savoyard… qui fut le plus haut du monde ?

 

 

La ligne ferroviaire de la Maurienne est bien connue des passionnés de trains. Les caractéristiques de la ligne et ses nombreux ouvrages d’art, la vallée encaissée livrée aux tumultes épisodiques de l’Arc, l’austérité des parois rocheuses abruptes et la circulation de trains exceptionnels ont illustré l’histoire ferroviaire et inspiré de nombreux modélistes.

Plus récemment, la construction du tunnel Lyon-Turin montre la volonté de continuer cette « conquête ferroviaire » avec gigantisme relevant ainsi tous les défis de l’impossible.

Cette volonté de développer le train comme support économique, lien social trouve ses racines dans l’Histoire de la vallée. La connexion ferroviaire France-Italie, la construction du tunnel du Fréjus ont considérablement marqué cette Histoire et rapproché la Savoie de son voisin. Et c’est ce que beaucoup d’entre-nous retiennent.

Pourtant, si vous décidez d’aller plus loin, plus haut en poursuivant votre chemin, vous découvrirez qu’un petit train a illustré l’Histoire Ferroviaire de la Maurienne…. Une histoire éphémère certes, mais fidèle à ce que nous entreprenons encore aujourd’hui : le chemin de Fer Fell ou du Mont-Cenis. Étant marié à une savoyarde, j’avais bien évidemment entendu parler de ce petit train.

Un vrai petit train entre St-Michel-de-Maurienne et Suze… qui trouva son origine dans le percement du futur tunnel du Fréjus. En 1862, les travaux étaient déjà engagés sur la ligne au-delà de St-Michel-de-Maurienne, mais le percement du long tunnel laissait envisager des travaux de plusieurs années. Les voyageurs descendaient donc en gare terminus de St-Michel-de-Maurienne et tout ce petit monde partait en diligence vers l’Italie.

Et comme cela est décrit :

« Plusieurs compagnies se constituent, telle que la compagnie Bonnafous, appelée Berlines-Poste du Mont-Cenis, par exemple. D’autres aussi, telles que les compagnies Bourg, Dareste, Sepolina et Teuliet, Allard,  Descours et Fils, Dupert et Dupré, Chaudet. Elles vont les conduire par la route impériale tracée au début du siècle sur ordre de Napoléon Bonaparte. Elle passera par Modane, Lanslebourg, le col du Mont-Cenis et dévalera sur Suze et Turin. Le trajet de Saint-Michel à Suze qui fait 80 kilomètres dure alors 12 heures. La concurrence entre les compagnies était rude, aussi lorsque les postillons se retrouvaient ensemble au sommet des descentes sur Suze ou sur Lanslebourg, ils lançaient leurs berlines à grande vitesse pour essayer de se dépasser, ceci provoquant de grandes frayeurs parmi les passagers et parfois également des accidents. Aussi la décision fut prise de décaler les heures de départ des différentes compagnies, pour éviter que les diligences se côtoient lors de ces descentes. Au-delà de Termignon, vers Lanslebourg et sur la gauche de la route, une stèle commémore l’endroit où une diligence tomba du haut du talus de la route, en plein hiver, tuant la totalité des voyageurs et le cocher, et provoquant la mort de la plupart des chevaux. »

https://www.refuge-lotsamou.com/trainfell

La décision de créer une connexion ferroviaire en 1865 est donc prise. Plus rapide et plus sûre : 5 heures de voyage au lieu des 12 à 15 heures de diligence. Quel progrès ! 10 gares – dont La Praz – 3 dépôts, 11 prises d’eau sur un parcours de 77 km (ou 80 km ?) avec des pentes à 85°/°° réputées infranchissables.

 

Compte-tenu du relief, la voie (1m10) qui suit la route impériale sera équipée d’un troisième rail en son centre sur le principe de son inventeur John Barraclough Fell, un ingénieur anglais. Ce 3ème rail avait pour objectif d’augmenter l’adhérence en montée, le freinage en descente et le franchissement des courbes grâce à des galets ou roues horizontales qui venaient en appui sur ce rail central plus haut de 20 cm (ou 25 cm ?).

Le train sera composé de 3 voitures et de 1 ou 2 wagons de marchandises. 25 km/h en montée et 17 km/h en descente. En tête, une locomotive Ernest Goüin et Cie livrée en août 1867. La ligne sera inaugurée le 15 juin 1868.

Courageux, vaillant, le train gravissait la montagne dans de longs lacets pour emporter ses 48 voyageurs et des marchandises… en passant par le col du Mont-Cenis à plus de 2000 m ! En hiver, il affrontait (avec ses passagers) les difficiles conditions climatiques ponctuées d’avalanche, de chutes de pierres… Avec 4 trains assurant chacun un aller-retour quotidien, environ 40 000 voyageurs et 22 000 T de marchandises transiteront en moyenne chaque année.

Son exploitation ne durera que 3 ans. Les incidents et les accidents mais surtout une invention ont mis fin à l’épopée du petit train du Mont-Cenis, le plus haut du monde. Grâce à l’invention de la perforatrice à air comprimé, le percement du tunnel du Fréjus fut bien plus rapide que prévu (14 ans au lieu des 30 ans prévus). Le 19 septembre 1871, les chaudières des petites locomotives se sont donc éteintes.

Aujourd’hui, bien peu de choses restent de cette aventure ferroviaire. Des vestiges d’ouvrages d’art sont visibles côté Italie, côté français Lanslebourg a encore des traces de la ligne. La terrible crue de l’Arc de 1957 révélera des restes de la voie ferrée. Une voiture est aussi conservée intacte au chemin de fer-musée de Blonay-Chamby (Suisse). Si vous allez au refuge du Petit Mont-Cenis (très accessible en voiture dans un site magnifique), vous découvrirez une évocation du train Fell par une maquette en bois.

Le développement de la ligne « La Maurienne », la présence de machines extraordinaires au début du siècle dernier ont quelque peu effacé cette épopée ; épopée qui à l’époque était un énorme défi d’ingénierie et qui fut quand même malgré sa courte vie un succès technique, économique et social pour les habitants de la vallée, source de progrès… comme pour nos amis italiens d’ailleurs.

Qui sait, un modéliste ferroviaire décidera-t ’il de reproduire cette aventure… mais là c’est une autre histoire.

Pour en savoir plus :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chemin_de_fer_du_Mont-Cenis#

https://www.refuge-lotsamou.com/trainfell

https://en.wikipedia.org/wiki/Fell_mountain_railway_system

 

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